Comment doper leur efficacité… Selon la thèse d’un universitaire américain, les dirigeants auraient tout intérêt à s’inspirer des artistes pour doper leur efficacité. Un bon patron est un bon acteur…
LES GRANDS leaders auraient beaucoup à apprendre des comédiens et des metteurs en scène. Il ne s’agit pas là d’une éphémère théorie en vogue, mais des conclusions d’un éminent professeur de l’université américaine Chicago GSB. Ce sociologue, Harry Davis, fort de plus de quarante ans de carrière, enseigne actuellement le management créatif. Depuis sa rencontre avec une étudiante actrice, scénariste et metteur en scène, il encadre notamment des séminaires à Chicago et Londres sur le thème « leadership as performance art ». Récemment, dans le cadre des tournées internationales de son université, il présentait ses conclusions à Paris devant un parterre de dirigeants et d’anciens. Une prestation forcément théâtrale de la part d’un brillant orateur
Jouer différents personnages
D’un revers de la main, il balaye les objections les plus courantes à sa thèse : « Bien sûr, on me dit que le business c’est du sérieux, pas de la comédie et que les acteurs trichent. Ce n’est pas vrai pour les grands artistes qui nous touchent, car ils s’impliquent vraiment.» Cabotin, il rajoute, « D’ailleurs, cette idée se vend très bien à l’étranger. » S’appuyant sur l’exemple de son plus illustre collègue, Millon Friedman, il estime que lui aussi était un artiste à sa manière. Son approche n’aurait sans doute pas eu un tel écho s’il n’avait pas été un aussi bon communicant. Harry Davis se souvient d’ailleurs qu’il était capable d’argumenter longuement lorsqu’on le prenait à partie sur des sujets aussi essentiels que le prix trop élevé du lait dans l’épicerie de la faculté, loin de toute poudre aux yeux, l’universitaire se défend de livrer quelques trucs efficaces, il propose plutôt « un travail sur soi qui ne porte ses fruits que sur le long terme ».
La sensibilité artistique serait particulièrement utile à une époque qui valorise beaucoup l’approche rationnelle.
« La base de l’avantage compétitif n’est pas seulement un prix bas, souligne l’universitaire, c’est aussi une façon de voir le monde, de générer des idées. « Le patron artiste sait précisément ce qu’il attend de son auditoire, quelles réactions il veut susciter ». Pour cela, il doit s’appuyer sur les différents personnages qui sont en lui et utiliser le plus adapté. Harry Davis en joue à merveille, passant du vénérable professeur au comique pînce-sans-rire, faisant vibrer son optimisme créatif ou titillant l’auditoire avec un pessimisme blasé. Après avoir été en pleine lumière pour délivrer son message, le dirigeant doit aussi chercher à retourner dans l’ombre, voire « devenir inutile » puisque son entourage s’est approprié son idée. Harry milite ainsi pour un patron metteur en scène. Manager plutôt que spécialiste, il se charge de mettre en place un environnement créatif. À lui de définir les limites au sein desquelles l’imagination de ses équipes va se développer « Perdez votre temps, prenez des chemins de traverse, il y a beaucoup à apprendre de la curiosité d’un enfant de 2 ans », raconte grand-père épanoui.
D’après JEAN-BERNARD LITZLER, Le Figaro, 08/01/07